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Au combien nous utiliserions mieux notre temps,

si nous savions précisèment combien il nous en reste à passer

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30 mars 2005 3 30 /03 /mars /2005 00:00

La pluie au travers de mes vitres tombe toujours plus drue, le ciel se voile de lueurs grisatres et pénétrantes. Presque sans m'en rendre compte je grelotte. Les visions qui se livrent à mon imaginaire sont dignes de films noirs. De hautes silhouettes blafardes lancent leurs squelettes fantomatiques vers le ciel. La rue est désertée, seules de long filets d'eau boueuse perturbent le silence. Toute la nature est nue, ça et là gisent quelques plaques de neige d'un blanc très contrasté.

Dans le vieux bâtiment seule l'horloge donne le ruthme d'une vie qui semble s'essoufler. La porte s'ouvre sur une remise poussiereuse, une forme s'avance emmitouflée d'une vielle parka d'un marron salace. Une silhouette décharnée, qui s'avance en chancelant et pose sur la vitre une main blafarde et sèche... Elle tire la porte qui s'ouvre dans un grincement, ses pas résonnent tandis qu'elle s'avance claudiquant sous le porche. Elle lève les yeux au ciel et une longue mèche grise s'échappent de son chignon. Elle cherche du regard, un mouvement, une ombre mais rien ne bouge.

Le vent a redoublé, les gouttes fouettent ce monde endormi, sans relâche le ciel semble se rapprocher pour envelopper la ville de son linceul de brume.

Quelques pas de plus et la voici au milieu de la rue, son sac en plastique pendant au bout de son bras maigre. elle titube un peu, chaque bourrasque pourrait la desarçonner, chaque pas est un effort, son souffle devient plus rapide elle lutte de tout son poids contre cette vie qui voudrait la faucher. Elle tourne son visage vers l'unique lueur qui s'échappe d'un volet. Son visage est ridé, comme usé par le temps, ses yeux petits, plissés, ne sont qu'une sombre fenetre vers un monde  sans lumière. Ses lèvres tremblent un peu s'accordant à ses mains. Elle va solitaire, dans ce monde sans attache. De petite goutte de pluie se fixent à ses cils et embrouillent ses cheveux.

Elle marche comme elle peu, s'arrachant à la terre pour quelques pas de plus. Elle s'arrete essoufflée, plonge les yeux dans le sol. Ses joues sont empourprée malgré leur teinte fumâtres. Elle repart, d'un pas plus lent encore. Enfin elle atteint le bout de la rue et gravit faiblement un petit tertre de boue. Elle glisse s'enlise repart, opiniatre jusqu'au bout des ongles. Finalement elle s'enfonce sous les branches noires et mélées d'un petit bois encore ensommeilé de l'hiver qui perdure.

Ses cheveux s'accrochent aux branches, ses joues sont griffées et une perle de sang glisse le long de son cou. Encore quelques pas, dans ce décor austère elle semble, fragile, plus encore qu'au dehors. Elle foule au pied la terre qu'on a abandonnée pour trop de sauvagerie. Elle courbe encore le dos et s'enfonce au plus loin jusqu'a une petite chapelle de branches enlacées. Elle pose à terre son sac et rattache ses cheveux dans un dernier souci d'élégance. Puis elle s'assied au pied d'une stèle de pierre masquée par tous ces arbres. Délicatement elle retire le sac qui enveloppait les premiers coucous de printemps et elle les pose sur la pierre blanche dans cette obscurité. Pas un mot ne s'échappe de sa bouche mais ses lèvres remuent imperceptiblement. Au bout de ce silence elle s'appuie sur la pierre, l'effleure de ses lèvres grises et se redresse. Et toujours claudiquant elle repart vers la vie. S'adressant à la pierre elle murmure " attends moi je reviendrai " Elle reviendra demain et chaque jour après, vers le corps de son âme qui ici est couché. elle reviendra demain et chaque jour après, jusqu'au jour où ici elle viendra s'allonger pour voir la mort tomber  sur ces dernières années.

Au milieu de la rue comme retenue par un fil invisible elle avance, marionette de chair grise balottée par le vent. Elle tourne encore les yeux vers le petit bois noir, là bas le jour se lève et auréole la ville d'une lueur dorée. Donnant la vie au jour et défiant le passé.

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